Ceci est une ancienne révision du document !
Table des matières
brouillon a terminer
Jouer l'Autriche-Hongrie dans la 1900
Article de P. M. Powell (le créateur de cette variante), traduit et adapté en français par Jean-Henri Bernard.
La situation historique de l’Autriche-Hongrie
Je vais commencer mon étude des Grandes Puissances dans 1900 avec un regard sur l’Autriche-Hongrie. Je le fais non seulement car elle vient en premier dans l’ordre alphabétique, mais aussi car je suis un Austro-phile. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours voulu jouer les “tuniques blanches” quand j’en avais la possibilité.
C’est considéré comme étrange par la plupart des joueurs étant donné que les armées autrichiennes s’en sont mal sorties sur le champ de bataille depuis Napoléon. De 1859 jusqu’à la fin de l’Empire en 1918, l’Armée Impériale et Royale (KuK) a subi une suite presque ininterrompue de défaites contre les autres Grandes Puissances (sauf quand bien sûr elle faisait face aux Italiens). Le triste bilan militaire, un état-major très conservateur, le manque de colonies, et la relation complexe qui existait entre les portions autrichiennes et hongroises de l’Empire se sont combinés pour donner à l’Autriche-Hongrie une réputation non méritée de vestige délabré au bord du gouffre, surtout parmi les historiens britanniques. Je pense que cette réputation est exagérée. Malgré des problèmes flagrants, et toutes les nations européennes avaient des problèmes flagrants de quelque sorte, l’Autriche-Hongrie était bien gouvernée, prospère, forte, et stable. Si elle a échoué à être au niveau de l’Allemagne en terme de puissance militaire et économique, on peut remarquer qu’elle n’était pas la seule.
Pour citer Lawrence Lafore dans The Long Fuse : « L’Autriche-Hongrie était en superficie le second plus grand état en Europe. En 1914, elle avait grandi jusqu’à une population de cinquante millions de personnes, se mettant troisième après la Russie et l’Allemagne. Pour la production industrielle, elle était cinquième en Europe ; en commerce international, quatrième ; pour la brillance de ses intellectuels et ses réussites artistiques, deuxième derrière la France. En comparaison de ses voisins de l’est et du sud, elle avait un gouvernement stable, un niveau de libertés civiles louables, un service civil efficace, une armée forte, et une unité, de la sécurité, et une protection pour les nationalités emmêlées qui l’occupaient ».
Donc quel est le but de ces paragraphes ? Le fait est que l’Autriche-Hongrie était une Grande Puissance, pas « l’Homme malade de l’Europe ». Même si elle n’était pas aussi forte militairement et économiquement que les autres Grandes Puissances, la Monarchie Duale avait une influence. Dans Diplomatie cependant, l’Autriche-Hongrie correspond au faiblard que beaucoup imaginent que c’était. En regardant les statistiques, on voit que l’Autriche-Hongrie se situe bien en-dessous de la moyenne pour le nombre de solos et d’égalités. Elle souffre aussi de beaucoup plus de défaites que la moyenne. Seule l’Italie est pire.
L’Autriche-Hongrie dans Diplomatie
Dans mon esprit il y a plusieurs raisons menant à ces résultats.
Premièrement, elle a un centre de soutien (CS), Trieste, qui borde directement celui d’une autre Grande Puissance, Venise en Italie. Nulle part ailleurs sur la carte une telle situation existe. Ceci place l’Autriche-Hongrie et l’Italie sous une énorme pression dès le début, et fait que toute relation entre la Monarchie Duale et son voisin italien aura une quantité significative de potentiel inhérent pour un conflit, ce que j’appelerai désormais “friction”. Je suis sûr que cette friction contribue directement aux pauvres résultats des deux pays.
Deuxièmement, l’Autriche-Hongrie et l’Empire Ottoman ne font pas de bons alliés sur le long terme. Une fois que la Russie est détruite, la Monarchie Duale se trouve en général en plein sur le chemin d’expansion principal de l’Empire Ottoman. Avec les armées turques allant au nord à l’est et à l’ouest au sud, l’Autriche-Hongrie ressemble au mieux à une noisette prise entre les dents d’un casse-noisette turc géant. Bien qu’une alliance puisse fonctionner avec assez de confiance et de communication, Rod Walker a raison quand il mentionne dans le Gamer’s Guide to Diplomacy originel que A/T (Austria-Hungary/Turkey) est une alliance inconfortable pour les deux partis.
Qu’est-ce que ceci signifie pour la Monarchie Duale ? Dans un jeu équilibré, l’Archiduc pourrait raisonnablement s’attendre à avoir un allié dans le triangle oriental A/R/T (Austria-Hungary/Russia/Turkey) au moins deux tiers du temps. La croyance répandue que A/T n’est pas commun implique logiquement que les deux autres alliances, A/R et R/T, sont plus communes. Si c’est vrai, l’Autriche-Hongrie et l’Empire Ottoman ont un désavantage par rapport à la Russie en général. Chacun a plus de chances que la Russie d’être le pays mis à l’écart. Troisièmement, et de façon peut-être plus significative, la position défensive de l’Autriche-Hongrie est inférieure à celles de ses voisins de l’est. Alors que la Russie et l’Empire Ottoman ont chacun au moins un flanc sécurisé, l’Autriche-Hongrie doit regarder dans toutes les directions. Bien que la paix avec l’Allemagne soit souvent facile à obtenir au début, l’Autriche-Hongrie doit maintenir une vigilance constante. Et si elle arrive à avoir une alliance avec l’Empire Ottoman ou la Russie, elle est bien plus vulnérable à une trahison que ne l’est son allié. Enfin la Monarchie Dual est également vulnérable à une attaque depuis l’ouest tandis qu’elle combat à l’est.
L’Autriche-Hongrie dans 1900
1900 tente de traiter ces lacunes en ajustant la carte et en changeant les unités de départ. En même temps, les Archiducs devront faire face à de nouveaux problèmes à déméler. Pour commencer, le CS italien à Venise (maintenant Vénétie) n’est plus là. Il a bougé vers un nouvel espace appelé Milan. La Vénétie est un tampon entre Milan et Trieste. Ceci réduit la tension avec l’Italie significativement étant donné qu’on ne peut plus déplacer une unité construite à l’ajustement dans un CS adverse dès le printemps. De plus une unité qui aurait pu être forcée à rester en garnison peut être utilisée de façon plus efficace ailleurs. Ensuite les nouveaux CSs en Algérie, Suisse, et Tripolitaine, et la vulnérabilité de la Mer Tyrrhénienne face aux Français et Anglais, contribuent tous à un décalage subtile de l’orientation italienne vers l’ouest, au moins au début. J’en discuterai plus dans le chapitre sur l’Italie, ici il est suffisant de dire que ces changements devraient rendre une attaque italienne sur l’AutricheHongrie dès le début de partie moins probable. Ceci n’implique pas que l’Italie ouvrant A Milan → Tyrol et/ou A Rome → Vénétie est hors de question. En fait, tant que ses relations avec la France sont confortables, l’Italie est totalement libre de suivre une politique irrédentiste aux dépends de l’Autriche-Hongrie. Les Archiducs devront faire attention à ne pas ignorer le Roi et ne pas prendre la neutralité italienne au début comme un acquis. Heureusement le destin de la Suisse et de l’Afrique du Nord donne des arguments à l’Archiduc pour éviter un conflit. Cependant l’orientation de l’Italie n’est pas entièrement une bonne nouvelle pour Vienne : — Une coopération militaire entre l’Autriche-Hongrie et l’Italie au début apparait souvent dans Diplomatie, mais a moins de chances d’arriver dans 1900. Si un conflit avec la France en Suisse ou en Afrique se rapproche, le Roi ne voudra pas envoyer l’Italie dans une croisade contre les païens turcs. De plus la coopération militaire entre l’Autriche-Hongrie et l’Italie est rendue difficile par les réalités de la nouvelle carte. L’apparition de la Macédoine turque dans le coeur des Balkans crée une barrière entre les axes d’attaque austro-hongrois et italiens contre l’Empire Ottoman. Cette barrière entrave les capacités de l’Autriche-Hongrie et de l’Italie de se soutenir mutuellement tant que la campagne n’est pas assez avancée. — Si l’Autriche-Hongrie se retrouve face à une alliance R/T, il pourrait ne pas y avoir d’Italiens venant à la rescousse, si ceux-ci sont trop engagés à l’ouest. Le temps que le Roi puisse venir à l’est, il pourrait se dire que la situation de l’Autriche-Hongrie est trop précaire et plutôt décider de l’achever. Comme on voit, les changements avec l’Italie ont du bon et du mauvais. Avec l’Empire Ottoman ils seront presque entièrement bons. La première chose qui saute aux yeux quand on regarde à la nouvelle carte est que le monde est plus rond, et la forteresse turque est un petit plus vulnérable. Non seulement l’Empire Ottoman a maintenant un flanc sud, celui-ci est déjà occupé par un ennemi potentiel, le Royaume-Uni avec F Égypte. Pire encore, les Anglais ou les Français peuvent renforcer ce flanc par le canal de Suez. J’en parlerai plus en profondeur dans les chapitres sur le Royaume-Uni et l’Empire Ottoman, mais l’impact est clair : si le Sultan attaque l’Autriche-Hongrie, il devra garder un regard sur ses arrières, au même titre que l’Archiduc. Il est aussi important de mentionner que ceci donne à l’Archiduc et au Premier Ministre anglais plus de raisons de parler que dans Diplomatie. La nouvelle géographie autour de l’Empire Ottoman affecte l’Autriche-Hongrie de manière fondamentale. L’addition des côtes nord africaines riches en CSs, le placement de la Grèce dans la sphère d’influence turque, et l’existence de zones tampons en Macédoine et Mer Adriatique, se combinent pour donner à l’Empire Ottoman une route d’expansion qui ne passe pas dangereusement près des territoires des Habsbourg. Ceci favorise la formation de A/T, permettant de nouvelles possibilités. Un regard rapide au nord-ouest montre un autre changement important. L’Allemagne est assez faible dans Diplomatie. C’est particulièrement vrai considérant le rapport de force de l’Allemagne avec ses voisins en 1914. Dans 1900, l’Allemagne est plus redoutable avec trois armées et une flotte dès le départ, et possède des centres proches. D’après mon analyse, l’Allemagne puissante de 1900, qui est capable de se battre sur deux fronts, crée un nouveau triangle A/G/R (G pour Germany), qui est aussi important pour déterminer le futur de l’est que le traditionnel triangle A/R/T. En fait je dirais même que c’est désormais un quadrilatère A/G/R/T. La capacité de l’Allemagne à intervenir à l’est pose à la fois un problème et une opportunité pour l’Autriche-Hongrie. Un problème vient du fait que l’Allemagne pourrait décider d’utiliser ses nouvelles forces pour annexer des parties de l’Autriche-Hongrie. La peur que la Prusse pourrait faire ça a contribué à la résolution rapide de la guerre austro-prussienne et à la neutralité autrichienne dans la guerre franco-prussienne. Une ouverture A Munich → Tyrol/Bohème pourrait causer la panique à Vienne. Comme l’Allemagne peut utiliser A Munich de cette manière et tout de même avoir trois constructions, un tel mouvement est une menace pour l’Autriche-Hongrie. Même si l’Allemagne n’attaque pas l’Autriche-Hongrie, des relations allemande-russes cordiales peuvent rendre une attaque A/T contre la Russie inefficace. C’est parce que la Règle des Mesures d’Urgence Russes (plus discutées dans le chapitre sur la Russie) permettent à la Russie de se défendre relativement bien contre un tel assaut, si aucune pression ne vient d’ailleurs. Le Sultan pourrait alors décider de changer de camp, et l’Italie pourrait en profiter. Étant donné ces problèmes potentiels, il semble clair que l’Archiduc doit s’efforcer de convaincre le Kaiser que la Russie est une menace imminente dont il faut se débarrasser. Étant donné la friction entre l’Allemagne et la Russie, beaucoup de Kaisers pourraient être convaincus. Comme c’était le cas historiquement, l’Autriche-Hongrie serait vue par Berlin contre une cloison contre les hordes slaves. Mais un Kaiser trop ennuyé à l’ouest pourrait préférer la paix avec la Russie, compromettant les plans autrichiens. L’Allemagne pourrait donc accepter d’envoyer une ou deux armées pour aider contre la Russie à l’est, comme l’Autriche-Hongrie l’espérait au début de la première Guerre Mondiale. L’Archiduc doit cependant être prévenu qu’une telle alliance avec l’Allemagne comporte des risques. Celle-ci pourrait réduire l’Autriche-Hongrie à l’état de fantoche, comme historiquement. Elle pourrait aussi en profiter pour bloquer l’Autriche-Hongrie à l’est, empêchant la Monarchie Duale de prospérer. En fait le danger que posait une ouverture austro-allemande vers l’est était si grand que j’ai été obligé de faire des changements de carte. Des premiers tests faits montraient que la Russie pouvait perdre trop facilement Varsovie dès la première année tout en ne prenant aucun CS neutre. Ainsi la Bohème est élargie empêchant Vienne de toucher la Galicie, tandis que Budapest touche maintenant la Bohème. Désormais l’Autriche-Hongrie peut toujours réussir à rentrer en Bohème et prendre la Roumanie à la Russie la première année, mais elle aura besoin de talents diplomatiques. Comme les parties montraient que la Russie se retrouvait très souvent attaquée, la Règle des Mesures d’Urgence Russes pourrait donner envie à l’Archiduc de plutôt proposer une alliance au Tsar. Je veux maintenant expliquer le choix de l’armée à Trieste. J’ai divisé Trieste en deux provinces : la Bosnie et Trieste. En effet la Bosnie n’était pas officiellement dans la Monarchie Duale au tournant du siècle. Et de fait la flotte à Trieste était devenue inutile à la fois offensivement et défensivement. Dans Diplomatie, si les relations le permettent, F Trieste peut aller vers l’Albanie pour prendre la Grèce en automne. Dans 1900, le voyage est plus long et plus compliqué. En allant à pleine vitesse, une flotte n’arriverait qu’à la deuxième année. D’ici là, la Grèce serait sûrement déjà italienne ou turque. De plus la flotte aurait à rentrer en Macédoine turque ou dans la mer Ionienne. Donc plutôt que de coincer l’Autriche-Hongrie au début avec une flotte qui ne pourrait faire plus que patauger aux alentours et entrainer des guerres non voulues, j’ai décidé d’étendre son armée. Dans 1900, si l’Autriche-Hongrie va gagner une partie, c’est que ses armées marchent vers la victoire, et non pas parce que ses flottes partent en balade. Je pense que c’est historiquement correct. La Marine Impériale était une simple arrière-pensée à Vienne, bonne seulement à contrôler la Mer Adriatique mais pas plus. L’Armée Impériale de son côté formait l’un des piliers de l’Empire. Donc quels sont les impacts d’une armée à Trieste ? Il y en a beaucoup.
Premièrement cette armée augmente la défense de l’Empire. Dans Diplomatie, la Russie a initialement deux armées contre l’Autriche-Hongrie, plus la flotte qui influence les combats en Roumanie et Bulgarie. L’Autriche-Hongrie a initialement deux armées, mais celle de Budapest prend souvent la Serbie. La Russie a donc toujours l’initiative contre l’Autriche-Hongrie. Mais avec une armée à Trieste, celle-ci peut par exemple être utilisée pour prendre la Serbie, laissant l’armée de Budapest libre. Ainsi une guerre austro-russe risque d’être un blocage, les deux pays devront utiliser la diplomatie pour se faire des alliés et gagner cette guerre. Deuxièmement A Trieste garantit que l’Autriche-Hongrie pourra presque toujours avoir deux constructions la première année, tant qu’elle n’a pas trop d’ennemis. Au premier abord il semble qu’une alliance entre la Russie et l’Autriche-Hongrie soit problématique. Cette dernière peut en effet contester plus facilement la Roumanie, et une alliance avec l’Empire Ottoman la lui garantirait. Mais il ne faut pas rater le fait que si la Russie et l’Autriche-Hongrie décident de coopérer, alors ils penvent prendre un grand nombre de centres la première année (la Serbie, la Roumanie, et la Bulgarie), mettant l’Empire Ottoman dans une position très délicate. Troisièmement, et de façon très intéressante, A Trieste donne la possibilité à l’AutricheHongrie de s’impliquer dans les affaires à l’ouest plus facilement. Après tout, jusqu’en 1859, l’Autriche-Hongrie était la puissance principale en Italie, et jusqu’en 1866 elle était considérée comme le plus puissant état allemand. En 1900, ce n’était plus le cas bien sûr. Cela ne signifie pas que les traditionalistes à Vienne acceptaient cette perte d’influence. Ainsi au début une stratégie “occidentale” est plus faisable dans 1900 que Diplomatie. Voici quelques idées : — L’Autriche-Hongrie pourrait utiliser A Trieste pour prendre la Serbie, libérant A Budapest pour la Galicie ou la Roumanie. Ainsi A Vienne pourrait se déplacer vers le Tyrol, adjacent à trois CSs étrangers (Munich, Suisse, Milan). Ceci peut donner à l’Archiduc des leviers diplomatiques importants. — Si le Kaiser se montre difficile alors que le Tsar est coopératif, l’Autriche-Hongrie peut envoyer des armées au Tyrol et en Bohème, tout en prenant la Serbie. Si la Russie l’accompagne en envoyant A Varsovie vers la Prusse ou la Silésie, alors le Kaiser pourrait passer un mauvais moment. De plus, d’autres pays pourraient s’inviter dans cette alliance (Italie, France, Royaume-Uni, Empire Ottoman). — L’Autriche-Hongrie peut ouvrir en Vénétie et au Tyrol, et prendre en même temps la Serbie. Cependant il faut être sûr que la Russie soit très amicale, et l’Allemagne au pire neutre. Dans ces trois cas, l’Archiduc ne doit pas oublier que ces mouvements qui peuvent apparaître risqué la première année, peuvent donner des résultats fabuleux dès la deuxième année. Si l’Autriche-Hongrie obtient deux centres tout en restant alliée avec au moins la Russie ou l’Empire Ottoman, la possibilité de foncer à l’ouest en force est intéressante. Je pense cependant que l’Autriche-Hongrie jouera en général de façon plus classique, à l’est. Ces mouvements ne donnent pas nécessairement des résultats immédiats, malgré les bénéfices et l’amusement qu’ils créent. Mais tout ceci permet d’offrir à l’Autriche-Hongrie plus de marge diplomatique, faisant même d’elle un possible allié avec qui la France et le Royaume-Uni devront négocier dès le départ.