Dans un monde en mutation, certaines choses ne changent pas. Il est peut-être à la mode de décrier les vertus simples, mais nous aimons toujours les trouver chez nos amis. La loyauté, l’honnêteté, la franchise, la gratitude, la chevalerie, la magnanimité – telles sont les caractéristiques du bon ami, du bon mari et du bon père, du gentil garçon que nous espérons tous voir épouser par nos filles.

Dans le monde amoral de la diplomatie, en revanche, ce sont les caractéristiques du perdant né. Si un ennemi tombé vous tend la main pour demander de l'aide, le sage la lui coupe. Si un ami vous rend service alors que vous êtes à terre, attendez qu'il soit à terre, puis battez-le à mort. Si un allié vous demande de l'aide pour planifier les actions de la saison suivante, donnez-la librement et copieusement, puis faites l'inverse de ce que vous avez convenu et laissez -le prendre la contre-attaque. Essayez de vous entourer de personnes qui vous font confiance, puis laissez-les tomber ; trouvez un allié qui mourra volontiers pour vous et veillez à ce qu'il le fasse.

Bref, la diplomatie n’est pas un jeu agréable ; pour gagner, il faut se comporter comme un parfait goujat. Certains adoptent un ton d’indignation morale face à la philosophie du jeu et refusent d’y jouer du tout : bien qu’il soit déjà démodé, et sera sans doute bientôt illégal, de reconnaître une quelconque différence entre les sexes, cette attitude est particulièrement courante chez les femmes – un cynique pourrait dire que la diplomatie menace d’éroder l’avantage naturel que leur duplicité innée leur donne sur les hommes dans la vie réelle. En tout cas, cette posture morale est tout à fait intenable. Nous avons tous ces tendances antisociales quelque part en nous, et il serait peut-être préférable de leur donner libre cours dans un jeu inoffensif, en les réprimant là où elles pourraient faire de réels dégâts.

Ce n'est pas un jeu sympa, comme je l'ai dit, mais c'est un jeu merveilleusement divertissant. De tous les innombrables jeux de société qui ont suivi le Monopoly, aucun n'a acquis le culte dévoué de Diplomacy : un jeu d'adresse pure pour sept rats de race avec du temps libre.

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